12 juillet 2014 6 12 /07 /juillet /2014 07:47
Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3

Auberge de jeunesse, Sighisoara, 6 juin 2014, 11h15

Enfin du ciel bleu !

Je le surveille du coin de l'oeil, à travers le velux de notre dortoir, de peur qu'il ne vire au gris habituel.

Sighisoara (prononcer Siguichoara) est une très jolie petite ville. Je me sens enfin en Roumanie, dans cette municipalité d'environ 15 000 âmes en pleine campagne.

Le voyage en train fut riche en expériences, en questionnements et en odeurs. Mais j'écrirais tout cela plus tard. Pour le moment, j'aimerais aller faire un tour au marché avant qu'il ne disparaisse.

Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3

Même jour, 20h42

Je suis super fatiguée, sans avoir exactement pourquoi. C'est sur que nous avons pas mal marché aujourd'hui, et mes genoux hurlent. La citadelle de Sighisoara est vraiment belle.

Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3

Je repense au trajet en train, entre Brasov et Sighisoara.

Les gens qui s'accrochent aux portes avant même que le train ne soit arrêté, la puanteur qui saisit lorsqu'on entre en hâte dans le wagon, les gens sales, propres ou entre les deux, les bruits, les rires, les conversations.

Carnet de voyage roumain - 3

Derrière moi, des hommes se font tourner une bouteille de bière en plastique énorme, d'autres personnes ont de gros sacs de chantier reconvertis en sac à dos, un jeune homme, peau très pâle et yeux clairs, détonne - autant que nous, surement - au milieu de tous ces visages caramels et de ces yeux bruns. Autant les Roumains ressemblent comme eux gouttes d'eau aux autres caucasiens, autant les peuplades Roms, originaires d'Inde, se remarquent de suite, ce qui ne doit pas aider les discriminations à disparaître.


Une jeune fille, les yeux hagards, commence à parler, de plus en plus fort. Elle répète en boucle la même chose, que nous ne comprenons pas. Des accents de folie dans la voix. Elle finit par brailler tout à fait, et des mouvements, des agitations gagnent le reste du wagon, pourtant peu silencieux. Un homme lui donne un papier avec de la nourriture dedans, du salami je crois. Une autre femme s'approche et lui donne deux tranches de pain de mie. Elle se tait, mange, déguste avec un plaisir non feint. Ses yeux se baladent partout autour d'elle mais n'accrochent rien. Elle descend à une halte, même pas une gare, en rase campagne, avec la femme qui l'accompagne, une tante ou une mère.

Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3

Comme beaucoup de personnes présentes, elle vit apparemment loin de la ville, dans un des petits villages qui émaillent la campagne. Le train fait de nombreux arrêts au milieu de rien, et chaque fois plusieurs personnes en descendent, à même les rails.

La campagne roumaine est très belle, très verte. Il pleut dans le wagon.

Carnet de voyage roumain - 3

Le petit garçon a qui on a donné la voiture nous sourit de temps à autre. Il m'aura marqué.

Juste après que je lui ai offert le jouet, au lieu de partir, il est resté jouer à côté de nous, puis avec nous. Il parlait de temps en temps, attendait visiblement une réponse, mais je ne savais pas quoi lui dire qu'il puisse comprendre. J'ai fini par exprimer mon désarroi à haute voix : "Tu vois, je ne comprends pas ce que tu dis. Toi non plus, là, tu ne comprends pas, hein ? C'est un peu frustrant, tu vois !?" Il avait fait un drôle d'air puis avait souri de toutes ses dents. Nous avions continué à jouer un peu, il était parti rejoindre sa famille peu après.

Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3

Dans le train, entre Sighisoara et Sibiù, 7 juin 2014, 10h15

Nous avons un changement à Copsa Mica sur la pause de midi. Ce train est encore plus sale que le précédent et je bénis la menthe poivrée qui m'en épargne l'odeur. En effet, aucune fenêtre ne s'ouvre, et ça macère !

Contrairement au trajet précédent, il n'y a presque personne dans le train, nous avons un compartiment pour nous toutes seules.

A la gare de Sighisoara, alors que nous attendions notre train, un vieux monsieur est venu causer avec nous. Avec beaucoup de langage des signes, nous avons réussi a nous comprendre à peu près. On a discuté de la taille des villes, des accidents de la route, il nous a expliqué s'être cassé le dos en descendant du train, il y a quelques années. Il nous a dit avoir été à Paris quand il était jeune, et avoir pas mal voyagé car il était sportif. Il a plusieurs fois parlé du gouvernement corrompu, assassin, avec de grands mouvements des mains.

J'ai hésité à lui parler de Ceauscescu, puis ai osé. Ses yeux se sont embrumés, il a parlé, très vite, et même si je ne comprenais pas les mots qu'il prononçait, ses yeux et ses expressions, ses gestes et ses mimiques, tout évoquait l'impuissance, la terreur, la douleur, à quel point ça avait du être dur. Il m'a touché, ce vieux monsieur.

Lorsque nous sommes parties, il nous a fait un baise main, et tenus le bras, l'épaule. On lui a fait de grands signes d'au revoir à travers la vitre, jusqu'à ce qu'il disparaisse de notre vue.

Carnet de voyage roumain - 3

Même jour, 12h20

Pause à Copsa Mica, vieille gare délabrée en cours de modernisation. Nous déjeunons de tomates achetées hier au marché - délicieuses - d'oeufs durs et de chips.

Carnet de voyage roumain - 3
Carnet de voyage roumain - 3

La chaleur nous fait nous réfugier dans le café de la gare. Ambiance western roumain. Un jeune homme avec chapeau et bottes est la seule autre personne attablée dans la pièce. Je vois son profil quand il se tourne. Il est plutôt beau garçon.

La tenancière a cet air blasé que l'on croise sur tous les visages occupant ce genre de boulot. Les boulots où l'on s’ennuie, où l'on voit le temps passer, s'étirer, où rien ne semble changer jamais. L'air blasé des guichetiers, des tenanciers de bar et des balayeurs de rue.

Carnet de voyage roumain - 3
Partager cet article
Repost0

commentaires