15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 17:08

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Contrairement à la représentation mentale que j'en ai eu pendant longtemps - et donc de comment je le visais - le bonheur n'est pas la béatitude indolente qui fait pop quand on prononce ce mot - avec pub Ricoré en fond, si comme moi vous avez une culture publicitaire insolente de bon goût et encline à vous taquiner.
 
On peut être triste et heureux, on peut être stressé, fatigué, bouleversé et être heureux. On peut être très mal à un moment sans que cela ne remette en cause l'état de bonheur.
Je crois que le bonheur est un état conscient, et pas une émotion. La joie, l'allégresse, la tristesse, la colère... sont des émotions. Le bonheur, je dirais que c'est de la plénitude, de la sérénité en barre. Un truc qui n'empêche pas de douter, mais qui tient debout. Que l'on tient debout et qui nous tient debout.

 

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On croise souvent des phrases gniangniantesques du genre "Le bonheur n'est pas un pays, mais un voyage, gnignigni... (ça marche aussi avec destination/chemin ou encore garage/voiture)" et même si ce genre de phrases me donne envie de gifler avec une pelle les sombres crétins qui partagent ce genre de choses sur Facebook and co - souvent agrémenté d'un soleil couchant option cocotier et couple hétéro sur la plage abandonnée, coquillages et crustacééééés - si on enlève le côté mièvre-tagada, le fond est vrai.

On ne peut pas devenir heureux ou faire une action dans ce sens. On est heureux ou on ne l'est pas, à ce moment précis. Maintenant. Ce n'est pas du futur, ce n'est pas du passé non plus. La réminiscence du bonheur n'est que de la réminiscence, le souvenir d'un moment n'est pas la même chose que le fait de vivre ce moment, même si ça peut rester très puissant. L'anticipation du bonheur peut être très satisfaisante, mais ça n'est pas du bonheur. On peut seulement se donner les moyens d'"être heureux en ce moment" et se disposer à le rester.

 

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Ca me semble à la fois très simple et incroyablement pas facile.
Déterminer ses besoins principaux. Déterminer ses envies. Voir comment imbriquer ces deux catégories en tenant compte des contingences. Le faire. Le refaire chaque jour, à chaque instant, et essayer d'en garder conscience.

J'aime beaucoup cette chanson d'Aldebert où il dit "Le bonheur c'est d'arriver à désirer ce qu'on a déjà.", je suis complètement d'accord avec lui.

Quand je parle de besoins, je ne parle pas des besoins du genre "j'ai besoin d'avoir une grosse voiture" qui ne sont que des besoins de besoins.
Non, quand je parle des besoins, je parle des besoins de base. Pyramide de Maslow, coucou. (Salutations à toi qui te reconnait. Non, je ne suis toujours pas complètement d'accord avec la pyramide de Maslow, qui n'est pas assez désordonnée à mon goût. :P )

Passons sur les besoins physiologiques (manger, boire, dormir, respirer, se reproduire), parlons des besoins d'aimer et d'être aimé, d'avoir un toit sur la tête, d'avoir des relations sociales, de créer... etc..

On a tous les mêmes. Dans des proportions différentes, avec des priorités différentes, mais sauf exception (sociopathes and co), on a tous besoin d'amouuuuuuur (des bisous des calins j'en veux tous les jouuuuuuuuuuurs RHA PUTAIN !). Hum. Donc je disais : on a tous besoin d'amour, on éprouve tous de la honte, on a tous besoin d'avoir des amis, d'être estimé... etc...

 

Le bonheur, je pense que c'est d'estimer ce qui va suffir à notre bonheur, justement.

 

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Besoin d'être aimé, oui, d'accord. Mais comment, avec quel genre de personne, dans quel cadre, avec quelle intensité, quelle place dans ma vie, avec quelle part de dépendance envers l'autre et de l 'autre envers moi (ou absence de dépendance), avec quels genre de projets (ou absence de projet)... ?
Je peux avoir envie de cette rockstar ténébreuse fort graouesque, mais ce ne sera pas forcément le genre de personne qui comblera de manière adéquate mon besoin particulier d'aimer et d'être aimé (enfin, ça arrive pour certaines personnes !).
 Non, je n'ai pas besoin d'une passion romantique intense et destructrice comme dans les livres, je suis beaucoup plus heureuse en pic-niquant dans une voiture sous la pluie ou en regardant une série idiote avec mon amoureux.
Ou encore : Non, je n'ai pas besoin de trimer toute ma vie pour avoir un travail hyper bien payé et super bien vu sociétairement, je suis beaucoup plus heureux en cultivant mes poireaux au fin fond de la Bretagne, ou en classant ces archives, ou en réparant ces voitures.
Ou encore : Non, je n'ai pas besoin d'une maison immense de 250 mètres carrés avec piscine et jacuzzi comme dans les films, je vis dans un pays tempéré où les frais de chauffage en hiver ont l'option "rappel à la réalité", et je suis bien plus heureuse dans mon 18 mètres carrés que je n'ai meme pas besoin de chauffer parce que le voisin du dessous s'en charge. Limite une yourte ou une maison en paille/bois, ça rentre dans ma réalité de choses possibles tout en comblant mes besoins, mes envies et mon éthique. Mais un chateau, ça me suffit dans mes fantasmes.

Bizarrement - je ne le pensais pas jusqu'à il y a peu - le bonheur c'est d'être dans la réalité, d'avoir les pieds sur terre.

Le bonheur ce n'est pas facile. C'est très simple, mais ce n'est pas facile.

Ca veut dire essayer, la plupart du temps, d'accepter que tout ne se fait pas tout seul, qu'il est normal d'échouer et que ça ne doit pas empêcher de réessayer, que oui il y a des chances qu'on se rétame la gueule par terre mais que ça vaut le coup de le vivre, pour la balade et pour ce qu'on en apprend. Ca veut dire ne pas nier ce qui est difficile, accepter d'être vulnérable par moments sans pour autant trouver ça confortable, se rendre compte de l'impact de nos choix, les assumer. Ca veut dire ne pas s'imaginer qu'on est invincible et que rien ne nous touche, mais d'accepter que quelque chose nous touche, nous blesse, nous inquiète ou nous rassure. ça veut dire accepter d'être qui l'on est, et cesser d'essayer d'être la personne / l'absence de personne que l'on aurait préféré être, ou que d'autres auraient voulu nous voir devenir.
Je ne connais personne qui y arrive tout le temps, ni même la plupart du temps.
Je connais quelques personnes incroyables qui arrivent à l'être souvent, et ce sont des gens exceptionnels.

 

Moi, je rame pas mal... mais j'apprends à mieux naviguer.


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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 00:38

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  "Être capable d'expliquer les choses ne suffit pas à leur ôter leur pouvoir."

"J'y suis presque", Nuala O Faolain,
 

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"Nonchalants, ces arbres saupoudrent de leurs palmes des parfums sucrés sur des dos de baigneuses nocturnes sans jamais les toucher."
"Rainbow pour Rimbaud", Jean Teulé

 

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"Le transport est la joie de laquelle on ne peut pas parler."
Rusbrock

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24 octobre 2012 3 24 /10 /octobre /2012 16:54

 

 

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Cela fait longtemps que je n'ai pas écris dans le train. Que je n'ai pas pris le train, d'ailleurs.

Il est étrange de dire au revoir.

Je suis dans le sens inverse à la marche du train, et je savoure quelque peu ce hasard de placement. Pourquoi regarder où je vais puisque je sais où je vais, alors qu'il est si doucement inconfortable de regarder le paysage défiler à l'envers ?
A chaque seconde, j'ai conscience des kilomètres en plus, et il y en a assez pour que ce soit vertigineux.

 

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Il est étrange de dire au revoir.

D'avoir organisé les prochains mois de telle manière que l'on sait, de manière absolue et non vaguement, que l'on ne reviendra pas avant une durée précise et peut être même plus tard encore. Il est étrange de passer voir des amis proches, et d'ignorer totalement lorsqu'on aura à nouveau de la place pour eux dans notre vie. "Promis, quand je viens dans le coin je passe vous voir." sans savoir quand cela aura lieu.

 

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Il est étrange de dire au revoir.

J'ai parfois l'impression d'avoir plusieurs vies éparpillées aux 4 coins de France et ailleurs. Et le fait d'en choisir une me donne la légère sensation de trahir quelque peu les autres. "On ne peut pas revenir en arrière, c'est pour ça que c'est dur de choisir. Tant qu'on ne choisit pas, tout est possible."* Parfois, lorsque j'arrive à déterminer ce qui correspond le mieux à mes besoins, à mes envies, j'arrive à choisir. Et la période juste après le choix est tout à fait vertigineuse, car on peut alors ressentir réellement l'évanouissement des autres possibilités à cette charnière-là. Ce n'est ni agréable, ni douloureux, c'est simplement un moment de conscience particulier. Aller par là, et voir derrière la vitre certains carrefours qui disparaissent au loin. Ce n'est pas triste, au contraire. C'est un étrange sentiment de construction. J'ai longtemps fui tout construction, tout choix, pour tout garder possible... mais j'ai grandi. Je suis devenue adulte et je me suis rendue compte que ne pas choisir, c'était refuser de vivre. Qu'il y aurait toujours quelqu'un pour choisir à ma place, mais qu'il valait mieux que ce soit moi qui le fasse. Qu'il n'y a que moi d'apte à construire mon bonheur.

 

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Il est étrange de dire au revoir.

Et l'étrange sérénité que je ressens en ce moment me fait penser à Christophe André et le fait que le train a toujours été pour moi aussi un moment particulier, un cocktail détonnant. Un peu de stress, un peu de temps, un peu de changement…
Ce contexte me permet souvent d'être au plus près de moi et de prendre du recul, de me voir avec un regard extérieur : Nasha, 26 ans, une angine qui commence, un sandwich au brie, des briquettes de lait au chocolat et quelques gateaux, deux énormes sacs remplis d'usualité et de deux, trois repères, un tableau d'un homme mystérieux comme définition de mon chez-moi, un pc, une musique de Damien Rice dans les oreilles. Un chat, des souvenirs et des livres qui seront bientôt à l'autre bout de la France par rapport à là où je serais.

 

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Il est étrange de dire au revoir.

Je viens de survoler un champ de trains. Je n'avais pas le temps de fouiller dans mon sac, d'en sortir mon appareil, d'y mettre la carte SD qui est dans mon pc et de prendre des photos... Alors j'ai simplement profité de la vue. C'était mélancoliquement poétique. J'ignore totalement quelle ville je viens de traverser, je ne pourrais jamais prendre en photo ces rails et ces trains à perte de vue, rouillés, tagués, écrasés sous le ciel gris. Je ne pourrais pas vous montrer ce que j'ai vu et que j'ai trouvé beau. La photo est un excellent moyen de partager une vision particulière d'un endroit à un moment précis, de manière presque objective dans toute sa subjectivité. Ce que je vois à un moment, que je capture, que je rends presque éternel - romantiquement, bien entendu - je peux le montrer à d'autres, tenter de leur faire ressentir ce que j'ai ressenti à ce moment. J'attends avec impatience la photo sentimentale. Une photo où l'on capturerait le sentiment en même temps que l'image. Un merveilleux simulateur d'empathie. ça, ça serait une sacrée invention.
N'est-ce pas au moins en partie le but de l'art : faire se mettre à notre place celui qui observe ce que l'on a produit et lui faire ressentir ce que l'on a ressenti ?

"Vague"

Les champs autour du train prennent une couleur dorée, le ciel exangue une étrange luminosité. Une luminosité d'incendie, sans feu. Les feuilles des arbres accentuent cette atmosphère fournaise, et me rappellent que l'hiver arrive doucement.
Un hiver qui va me changer des précédents.
Un hiver à igloo.

 

 

 

 

Photos prises à Nantes et Rennes.

*Némo, hésitant entre 2 patisseries en vitrine, une pièce dans la main, dans le film Mr Nobody.

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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 20:57

 

 

 

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 16:48

 

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"Non, non, s'il faut aux plus belles lignes du paysage se voir donner des noms qui rappellent les hommes, que ce ne soient que ceux des hommes les plus nobles, les plus dignes. Que nos lacs reçoivent des noms au moins aussi conformes que la mer Icarienne, où "retentit encore le rivage" d'une "vaillante tentative"."
extrait au hasard de "Walden ou la vie dans les bois" de Henry David Thoreau

 

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"- Tu comprends ?

- Non, mais ça fait rien, j'ai l'habitude.

- C'est là que je viens me cacher quand j'ai peur.

- Peur de quoi, Madame Rosa ?

- C'est pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur, Momo.

Ca, j'ai jamais oublié, parce que c'est la chose la plus vraie que j'ai jamais entendue."

La vie devant soi, Romain Gary (Emile Ajar)

 

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"Pour l'instant, je ne fais

que marcher ou dormir,

et tout ça pour éviter

de penser. Se méfier de

tout ce qui a un rapport

quelconque avec l'esprit

tant que je n'aurai pas

réglé le primum vivere."

Chronique de la dérive douce, Dany Laferrière

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21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 17:48

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Pourquoi il faut jouer tout le temps ? Je t'aime, moi non plus. Je suis là je suis plus là ou bien à moitié. Pas ce soir, demain peut-être. Je dis rien ou bien à demi-mots. Je dis tout et son contraire. ça me tord le ventre et je ne tiens pas à toi comme tu voudrais. On pourrait pas se reposer, des fois, et juste être bien, dire les choses sans trembler, sans détourner le regard, en oubliant un peu d'avoir peur ? On pourrait pas oublier la merde quotidienne les contingences à la con les difficultés les obligations les interdictions les demi-mesures ? On pourrait pas s'embrasser comme des fous en s'en fichant du regard oblique des passants ? On pourrait pas oublier ces bêtises de séduction, suis moi je te fuis, fuis moi je te suis et arrêter de perdre du temps avec ces simagrées ces jeux d'adultes névrosés ? C'est quand le bonheur, dis ? On pourrait pas se montrer sans détour et sans paquet cadeau juste soi juste nu juste simplement sans que l'on ai le sentiment d'être sans surprise alors que les surprises elles sont à l'intérieur et pas sur l'emballage ? On pourrait pas aller faire du cerf-volant et sourire et rêver et voir des choses dans les nuages et avoir envie de s'envoler du haut de la montagne ? On pourrait pas oser risquer d'avoir mal avoir peur mais se lancer quand même se lancer sans réserve ? On pourrait pas un peu être des amoureux des insouciants des romantiques des enfants des pas-sages ? On pourrait pas être heureux de se voir ne pas pouvoir attendre se sauter dans les bras s'embrasser et sourire ? On pourrait pas un peu des fois imaginer qu'on est seuls au monde que rien d'autre ne compte et aller marcher sous la pluie ? On pourrait pas se faire des surprises se faire la lecture se cacher des mots doux et accrocher du houx partout ? On pourrait pas arrêter de jouer à se faire mal toujours un peu et lâcher prise ? On pourrait pas, dis ?

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 "Et je veux jouer à cache-cache et te donner mes vêtements et te dire que j'aime bien tes chaussures et m'asseoir sur les marches pendant que tu prends ton bain et te masser le cou et t'embrasser les pieds et te tenir la main et sortir dîner sans m'énerver quand tu manges dans mon assiette et te retrouver au Rudy's et te parler de la journée et taper ton courrier et te porter tes affaires et rire de ta paranoïa et te donner des cassettes que tu n'écoutes pas et regarder des films géniaux et regarder des films nuls et me plaindre de la radio et prendre des photos de toi quand tu dors et me lever pour aller te chercher du café et des bagels et des feuilletés et aller au Florent boire un café à minuit et te laisser me voler mes cigarettes sans jamais être fichue de trouver une allumette et te parler du programme que j'ai vu la veille à la télé et t'emmener à la clinique des yeux et ne pas rire à tes blagues et avoir envie de toi le matin mais te laisser dormir et t'embrasser le dos et te caresser la peau et te dire comme j'aime tes cheveux tes yeux tes lèvres ton cou tes seins ton cul ton
et fumer assis sur les marches jusqu'à ce que ton voisin rentre et fumer assis sur les marches jusqu'à ce que tu rentres et m'inquiéter quand tu es en retard et m'émerveiller quand tu es en avance et te donner des tournesols et aller à ta fête et y danser à en devenir bleu et me trouver désolé quand je suis dans mon tort et heureux quand tu me pardonnes et regarder tes photos et désirer t'avoir toujours connue et entendre ta voix dans mon oreille et sentir ta peau et avoir peur de tes colères quand tu te retrouves avec un œil tout rouge et l'autre bien bleu les cheveux du côté gauche et ton visage qui prend un air oriental et te dire que tu es splendide et te serrer contre moi quand tu es anxieuse et t'étreindre quand tu as mal et te vouloir rien qu'à sentir ton odeur et te blesser quand je te touche et gémir quand je suis à tes côtés et gémir quand je ne le suis pas et bavoter sur tes seins et te recouvrir dans la nuit et avoir froid quand tu tires la couverture et chaud quand tu ne le fais pas et m'attendrir quand tu souris et fondre quand tu ris et ne pas comprendre pourquoi tu penses que je te rejette quand je ne te rejette pas et me demander comment tu peux bien penser que ça pourrait un jour arriver et me demander qui tu es mais t'accepter de toutes façons et te parler du garçon arbre et ange à la fois de la forêt enchantée qui a traversé l'océan parce qu'il t'aimait et t'écrire des poèmes et me demander pourquoi tu ne me crois pas et éprouver un sentiment si profond que je ne trouve pas les mots pour l'exprimer et avoir l'idée de t'acheter un chaton et j'en serais jaloux parce que tu t'occuperais plus de lui que de moi et te garder au lit quand tu dois t'en aller et pleurer comme un bébé quand tu finis par le faire et me débarrasser des cafards et t'acheter des cadeaux dont tu ne veux pas et que je remballe comme d'habitude et te demander en mariage pour que tu me dises non comme d'habitude et que je recommence malgré tout parce que même si tu penses que je ne le souhaite pas pour de bon c'est exactement ce que je veux depuis ma toute première demande et errer dans la ville en trouvant que sans toi elle est vide et vouloir ce que tu veux et me dire que je me perds mais tout en sachant qu'avec toi je suis en sûreté et te raconter ce que j'ai de pire et te donner ce que j'ai de mieux parce que tu ne mérites pas moins et répondre à tes questions quand j'aimerais autant pas et te dire la vérité quand je n'y tiens vraiment pas et chercher à être honnête parce que je sais que tu préfères et me dire tout est fini mais tenir encore dix petites minutes avant que tu ne me sortes de ta vie et oublier qui je suis et chercher à me rapprocher de toi parce que c'est beau d'apprendre à te connaître et ça mérite bien un effort et m'adresser à toi dans un mauvais allemand et en hébreu c'est encore pire et faire l'amour avec toi à trois heures du matin et peu importe peu importe peu importe comment mais communiquer un peu de / l'irrésistible immortel inconditionnel intégralement réel pluri-émotionnel multispirituel tout-fidèle éternel amour que j'ai pour toi."
Manque, Sarah Kane

 

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 10:40

 

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Je voulais faire cet article là-bas, lorsque j'y étais, mais l'absence de temps, de motivation, d'envie a tué dans l'oeuf cette bonne résolution.
Grenoble est une ville que je perçois de manière très ambigue. J'y suis attachée puisque j'y suis née, même si je n'y ai pas vécu. Mais les premières racines, faibles pourtant, occasionnent un attachement. Infondé et arbitraire, mais existant.
Pour la première fois je m'y suis baladée dans cet état d'esprit, suis retournée à la clinique où je suis née, ai demandé à mon père de me montrer mon arbre, celui sous lequel il y avait leur caravane lorsque je suis née.
Le camping originel a disparu, remplacé par un stade, mais l'arbre, immense, est toujours là.

 

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Je n'aime pas cette ville. Enclavée au milieu des montagnes, sale, grise, souvent engoncée dans les nuages, des nuages sans forme, sans caractère, je m'y sens facilement opressée, mais d'une étrange façon, presque tragique, au sens théatral du terme.

 

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Mais Grenoble est attachante. On sent que sous le vernis presque austère, il se passe des choses. L'art de rue est assez présent, la culture alternative n'est pas loin. Les gens sont pressés, mais semblent glisser le long des murs badigeonnés de peinture visant à masquer quelques graffitis.

 

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Grenoble est une ville où je ne me vois pas vivre, mais j'ai besoin, assurément, de pouvoir y retourner régulièrement.

 

 

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Et vous ? Quel rapport avez-vous avec votre ville natale ?

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 23:44

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"Quand j'étais petit

je croyais que

chaque pays avait

ses propres couleurs.

Que le ciel ailleurs

était jaune,

la mer rouge

et les arbres mauves."

 

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"Que faut-il penser de cela ?

Est-ce un banal incident ou

quelque chose que je

ne dois jamais oublier ?

Cette question me taraude

depuis hier soir. On a

tous nos angoisses.

Il faut savoir avec lesquelles

on accepte de passer

la nuit."

 

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"Je constate, en souriant, que

personne ne sait où je suis

en ce moment."

 

 

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"La vie est ailleurs qu'ici, mais

je n'ai pas les moyens

pour aller nulle part,

m'a dit ce type qui lit encore

Kant dans les toilettes."

 

 

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"Je suis assis

sur un banc du parc

avec les pigeons

autour de ma tête

et le petit lac

au bout de mes chaussures."

 

 

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"Chaque fois que

je tiens un livre

dans ma main

je me sens rassuré

sachant

qu'à tout moment

je peux m'asseoir

sur un banc et

l'ouvrir."

 

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Souffler un bon coup, prendre son courage à deux mains, essayer de faire les choses une par une, défaire son sac, se préparer à le refaire, décider d'aller quelques jours là où l'on est né, commencer du début et surtout surtout surtout accepter qu'il faut du temps.

 


Toutes les citations entre guillemets sont tirées de "Chronique de la dérive douce" de Dany Laferrière.

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 19:59

Portrait d'urbain 1

Je traverse République, les passages piétons, les arrêts de bus... Il y a foule. Tout le monde se déplace dans le même sens, sur le même axe, dans les deux directions, sauf une femme.

Elle marche d'un pas peu assuré et déterminé en même temps, de travers par rapport à tous les passants, tirant derrière elle un chariot de marché qui semble peu rempli voire vide.
On ne voit pas son visage, elle se lance tête baissée, on devine qu'elle hahane, sous ses mêches jaunes décolorées que le vent agite pour masquer une légère calvicie.
Sa robe légère aux motifs léopard est plaquée contre son corps de vieille femme, maigre et déformé.

On devine qu'elle ne se soucie de rien en dehors de cette traversée qu'elle effectue comme un athlète visant la médaille, à corps perdu.

Elle semble ne sentir ni le froid, ni la pluie, ni le vent, ni les passants autour d'elle.

Je ne ralentis pas mon pas, elle passe dans ma vie quelques secondes à peine.

 

 

Portrait d'urbain 2

A quelques fauteuils de moi,

un monsieur s'est assis.

Un visage d'aristocrate à bérêt

un bermuda beige

une chemise rouge

et des chaussettes noires dans les sandales.

Son incongruité m'a fait sourire.

 

 

Portrait d'urbain 3

Je l'entends avant de la voir.

Un claquement de langue, entre le tac sec du fouet et la succion. Un bruit insupportable.

Au troisième claquement, je tourne légèrement la tête sur la droite, et la devine du coin de l'oeil, sur le fauteuil dos au mien, vieille femme pincée, à la peau aussi distendue que tirée.
Je constate qu'elle ne se rend pas compte des sons qu'elle émet, ou bien qu'elle n'a pas de contrôle dessus, alors mon agacement se dissipe un peu.

Je reprends ma lecture, me réinstalle mieux sur le fauteuil des Champs Libres que j'occupe en cet après-midi pluvieux, et tente de faire abstraction.

Au moment où je n'en peux plus et me mets à fouiller la salle du regard pour trouver un autre endroit où m'asseoir, je sens du mouvement derrière moi - elle s'en va.
Je reprends ma lecture plus sereinement, et repars dans le Montréal d'il y a plusieurs dizaines d'années avec Dany Laferrière.

 

 

Portrait d'urbain 4

Il a un côté effrayant et comique à la fois.

Le pardessus à la Colombo fermement zippé jusqu'en haut, comme on l'imaginerait chez un type ouvrant son imper devant les écoles promaires, raide comme la justice, une absence d'étincelle dans le regard, des yeux morts.

J'imagine son intérieur, un intérieur de vieux garçon, avec de petites nappes au crochet faites par feue sa maman sous les bibelots du buffet. Des meubles lourds, vieux, sans élégance. De l'absence de goût et de la précision, une vie que l'on devine angoissée, deux verrous à la porte d'entrée sans compter la chaînette, la télécommande sur la table basse, ou sur la table en formica de la cuisine, servant à allumer une vieille télévision cathodique pour regarder des infos du soir promptes à accentuer sa peur du monde et ses angoisses.

Il va et vient à quatre reprises. A chaque fois, il prends un livre, le ramène à son fauteuil, s'assoit, se relève peu après et recommence. Au bout de quatre livres, qu'il a posé sur sa sacoche en tissu - probablement une vieille sacoche offerte par son comité d'entreprise - il se lève et s'en va, le visage agité, les lèvres tordues, tremblotantes, à l'affut.

 

 

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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 14:17

 

 

 

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Plus qu'une semaine, une petite semaine, même pas complète.

L'appartement presque vide, un coin avec ce qu'il reste à vendre, un coin avec les affaires à emmener, et entre les deux le futon et le pc qui diffuse du vieux rock. Des annonces aux fenêtres, une odeur de peinture émanant de la salle de bain, des cartons qui traînent dans un autre coin de l'appartement, un ploc ploc dans un seau, et une étrange sérénité du déséquilibre.

Des questions difficiles, une incertitude chronique, le choix de la troisième solution, celle qu'on ne voit pas au premier abord, celle qui permet d'éviter le dilemne insoluble, celle qui fait mal, et pas qu'à soi. Le sentiment d'être droite dans ses bottes malgré tout, d'avoir fait le meilleur choix possible au vu de la situation, l'acceptation du regret inévitable.

Depuis aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours fais le choix du vivre face à celui du non vivre, toujours préféré faire une bêtise plutôt que de regretter de ne l'avoir pas faite. Mais parfois, il est des situations où l'on ne peut choisir qu'entre un regret ou un autre, où, quelque soit le choix, il y aura une possibilité que l'on ne pourra pas vivre. L'incertitude carnassière, la douce torture, la tête qui bouillonne et le ventre qui se retourne. Alors choisir, oui. Mais choisir de ne pas choisir, pas ces solutions là. Choisir autre chose, choisir seule, accepter la solitude. Laisser des portes ouvertes pour la vie. Espérer assumer sur la durée. Regretter de ne pouvoir se diviser au nombre des voies possibles, mais accepter, quand même.

Se retrouver dans le flottement des possibilités. Puisque le dilemne n'est plus, puisqu'on a détruit la situation le créant, ressentir le vertige des multitudes de possibilités nouvellement créées. Prendre des risques, essayer de prendre soin de soi au mieux, de n'être pas dépendante du choix d'un autre, des autres.

Penser à cette ville que l'on quitte, à toutes celles que l'on va découvrir, sans savoir où l'on va vivre. Donner un coup de pied dans la fourmillière, dans la sécurité, dans l'équilibre quotidien, dans les habitudes et la routine. Chercher le risque, les limites.

Borderline, toujours. En équilibre sur plusieurs frontières. Qui se déroulent devant les pieds.

 

 

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"Je vais les chercher là-bas, les fruits. Le sang. Les mots dans le flot des suées."
Koshmider

 

 

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"Ecoute bien :
Je te donne ce papier de verre,
Pour que tu polisses ma peau
Jusqu'à trouver des traces de mon âme"


Ariana Daniele

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